Le moment et la manière

Anne luttait depuis 14 ans contre un cancer dont elle savait qu’elle ne guérirait plus. Avec la réalisatrice, une amie de longue date, elles décident de filmer ce que signifie la vie avec un cancer chronique, comment on apprivoise la maladie et comment on garde, malgré tout, le goût de vivre. Mais très vite, le cancer la rattrape. Elle avait préparé ce moment, elle qui voulait choisir « le moment et la manière ». Mais quand ce temps est venu, elle se heurte à des impossibilités, grandes et petites et la réalisatrice filme une dépossession.

Face au miroir, une femme redessine à coups de crayon la courbe de ses sourcils puis ajuste une perruque châtain sur son crâne chauve. Elle chausse ensuite une paire de lunettes, achevant sa métamorphose. Hors champ, la réalisatrice Anne Kunvari, lui demande ce qu’elle pense de son apparence. En une séquence, désarmante de simplicité, tous les enjeux de ce film intimiste sont scellés. Le film documente donc une double intimité. Elle se niche à la fois dans cette belle amitié féminine mais aussi dans la manière dont Anne vit au quotidien avec sa maladie.

Elles ouvrent le champ à un débat insoluble en France, autour du droit de choisir de mourir dans la dignité. En l’état, de décider quand (« le moment ») et comment (« la manière »), on en finit avec la souffrance. Ce journal de bord simple, digne et empathique rend hommage à la personnalité radieuse et à la lutte d’Anne Matalon.... Sandrine Marques, Le Monde