Diamond Island
DAVY CHOU - 1H43, FRANCE, CAMBODGE, 2016
AVEC SOBON NUON, HEANICK NOV, MADEZA CHHEM
Diamond Island est une île sur les rives de Phnom Penh transformée par des promoteurs immobiliers pour en faire le symbole du Cambodge du futur, un paradis ultra-moderne pour les riches. Bora a 18 ans et, comme de nombreux jeunes originaires des campagnes, il quitte son village natal pour travailler sur ce vaste chantier. C’est là qu’il se lie d’amitié avec d’autres ouvriers de son âge, jusqu’à ce qu’il retrouve son frère aîné, le charismatique Solei, disparu cinq ans plus tôt. Solei lui ouvre alors les portes d’un monde excitant, celui d’une jeunesse urbaine et favorisée, ses filles, ses nuits et ses illusions.
Si le contexte socio-politique assure de solides fondations à son film, Davy Chou s’en élève avec une facilité incroyable pour aller tutoyer des sommets de poésie électrique et de mélancolie insidieuse. Ce récit d’apprentissage, a priori banal, est constamment enluminé par l’inspiration du cinéaste : les néons clignotants d’une fête foraine, les volumes géométriques des immeubles en chantier, les luminescences de gadgets fluo, la beauté voluptueuse des visages des jeunes acteurs aux lèvres charnues comme des fruits mûrs, la pop asiatique, les dialogues murmurés composent une élégie urbaine et sensuelle qui évoque parfois les plus beaux moments de Jia Zhangke, Hou Hsiao-hsien ou Apichatpong Weerasethakul, sans jamais tomber dans l’ornière citationnelle. Comme Bora (sa projection de fiction), Davy Chou recherche la transmission de ses aînés, mais, contrairement à son personnage, il l’a trouvée en engageant un dialogue de cinéma déjà splendidement fécond avec le continent de ses ascendants et de ses maîtres.
Serge Kaganski, Les Inrocks