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WANG BING - 2H36, HONG-KONG, 2017

À peine sortis de l’adolescence, Xiao Min, Ling Ling et Lao Yeh ont des rêves plein la tête. Quittant leur village du Yunnan, ils partent grossir la main d’œuvre de Huzhou, une cité ouvrière florissante des environs de Shanghaï. Soumis à la précarité et à des conditions de travail éprouvantes, ils veulent quand même croire en une vie meilleure.

Depuis une quinzaine d’années, l’œuvre du Chinois Wang Bing, l’un des documentaristes les plus importants de sa génération, construit un immense contrechamp à l’« économie socialiste de marché » et se fait le témoin de ses innom- brables dommages collatéraux, c’est-à-dire des désastres humains. Après avoir filmé l’exil de minorités birmanes vers le Yunnan, dans le sud- ouest de la Chine, dans Ta’ang (2016), le cinéaste prend cette fois pour cadre les ateliers de confection textile de la ville de Huzhou, dans la périphérie étendue de Shanghaï, qui emploient près de 300 000 ouvriers. Un tel document sur l’aliénation au travail aurait pu n’être qu’un laborieux relevé des atteintes et des préjudices témoignage frappant sur la condition ouvrière, un grand film sur le sommeil, plus précisément sur l’engourdissement comateux qu’un travail sans limite insuffle au corps et à la conscience. Wang Bing passe d’un personnage à l’autre, dans un marabout-bout de ficelle qui nous entraîne dans les arcanes d’un même quartier, jusqu’aux boutiques des petits négociants. À ce titre, les passages les plus forts du film concernent un couple de boutiquiers qui se déchirent, notam- ment au cours d’une scène de ménage filmée in extenso, où la femme, jetée à la rue, s’accroche coûte que coûte à son mari brutal et excédé. Les coups pleuvent et la présence de la caméra pourrait sembler de trop, si l’épouse répudiée n’avait auparavant entraîné elle-même le cinéaste-cadreur sur le lieu de la dispute, comme si elle avait éperdument besoin de lui. C’est alors que se fait jour l’un des principaux traits du cinéma de Wang Bing : l’insistance. Une insistance qui peut gêner, épuiser, éprouver, déranger parfois, mais vise avant tout à garantir l’intégrité des personnes filmées et les faire accéder, dans la durée, au statut de personnages. Dignes, grands, beaux et terribles à la fois.
Mathieu Macheret, Le Monde

Du 4 au 5 avril
Le 4 avril 2018 à 19h
Le 5 avril 2018 à 16h
de 2,50 à 5€